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32.

Jeanne Favret- Saada est-elle une des premières anthropologues à revendiquer d'"être affectée" par son objet de recherche ? C'est-à-dire à partir des années 70 (ref). Selon elle, être affecté implique un mode de communication spécifique : involontaire, non-verbal et non-intentionnel. Mais elle parle ici d'un mode de communication qu'elle a expérimenté au sein d'une communauté humaine. Ce mode de communication - et la possibilité qu'il offre d'être affecté - est-il propre aux humains, ou pourrait-on aussi l'appliquer à une relation avec un espace, un objet, une matière, une machine ?

Par exemple, je viens d'interagir avec le micro-onde de mon atelier. Notre relation était :

Pour être affectée, c'est raté, donc. Et effectivement, cette expérience, pourtant mainte fois renouvelée, n'inscrit rien de spécifiquement "marquant" dans mon corps (à part deux ou trois gestes devenus automatiques ?).

Cela me rappelle le scarabée rhinocéros rencontré durant les vacances il y a quelques années. Notre interaction était non-verbale, involontaire, intentionnelle : il est sorti de sous une souche, sur la pelouse devant la maison, au moment où je passais par là. Je l'ai regardé sortir de sa cachette, se mouvoir très (trop?) lentement, entre les hautes herbes . J'ai pris le temps de l'observer plusieurs minutes, je suis allée chercher mes affaires de dessin pour faire quelques croquis... (c'est un très bel insecte, mais pas évident à dessiner ! surtout en mouvement. Quelques heures plus tard, je suis retournée le voir : il était toujours là, avait à peine fait quelques mètres. Il restait étrangement immobile, dans la même position. J'ai essayé délicatement de le faire bouger avec une brindille, sans succès. En le prenant dans ma main, j'ai dû me rendre à l'évidence, il était mort. J'avais immortalisé sa dernière sortie. Nous lui avons fait une petite sépulture de fortune au pied de la souche où il logeait. Non-verbale, involontaire, in-intentionnelle, cette rencontre m'a affectée : c'était il y a deux ans, et je m'en souviens encore parfaitement.

scarabeerhino

À relier avec le séminaire d'Erin : chercher l'entre-deux individualités qui excède la relation.

Mais comment se saisir de cette relation, qui est "un excès", toujours en mouvement, non mesurable, non saississable ?

Autres questions : est-ce qu'il serait possible d'imaginer ce type de relation non-verbale, involontaire, non-intentionnelle entre un support de lecture et son lecteur ?